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samedi, août 04, 2007

Mystérieuse cité rocheuse


1939. La Tchécoslovaquie tombe aux mains des armées du Reich. Placées sous protectorat Allemand, les terres du royaume de Bohême, ainsi nommées en raison des « Boïens », les premières peuplades celtes, sont submergées par la déferlante nazie. Quand la nouvelle atteint les régions frontières du nord, un fermier du nom de Vojtěch Kopic, trente ans, la silhouette mince du contemplatif, emporte quelques outils et se dirige seul vers la forêt.

Le sentier l’entraîne vers un dénivelé profond, un vallon ombragé par les sapins et les hêtres, à quelques pas de la ferme. Un lieu d’asile et de paix pour ce jeune musicien autodidacte, joueur d’orgue à l’église du village et sculpteur amateur. Le paysage de ce « puits » naturel, caché aux regards et peu fréquenté sinon même inconnu des promeneurs, révèle pourtant un étonnant spectacle de « villes rocheuses ».

Dispersées sur des collines et dans les creux, des tours, des cônes de basalte et de grès s’élèvent tels des mégalithes sauvages autour de Kopic. Ce sont les vestiges pétrifiés, naturellement façonnés dans les fonds sableux laissés par la mer qui, dans les anciens temps, recouvrait la région. Le sentier s’enroule autour des piliers, traverse la cité rocheuse, puis devient rapidement labyrinthique. Kopic pose ses outils et commence son travail de taille dans la roche.

Profondément affecté par l’obscurantisme totalitaire qui vient de s’abattre sur son pays, il laisse ses mains dialoguer en silence avec la pierre. L’œuvre qui en naît, le portrait à cheval du premier président de la Tchécoslovaquie, Tomáš Masaryk, marque le début d’une remarquable série de sculptures que Kopic va réaliser jusqu’à sa mort, survenue en 1978.

Scènes naïves des légendes tchèques, images en pierre inspirées de la mythologie, mémorial aux femmes et enfants disparues dans les camps de la mort, vignettes autobiographiques d’un folklore rural, poèmes et aphorismes gravés dans la roche… dans cette galerie à ciel ouvert, le fermier de Bohême a sans doute voulu commémorer les aspects les plus profonds de sa vie et de celle de son pays.

De nos jours, (en 2008, il y aura tout juste trente ans après la mort de Kopic) les bas-reliefs sculptés de sa main ont subi les dommages de l’érosion, la roche s’effrite ou disparaît sous la mousse. Cependant, son œuvre qui, selon les canons idéologiques du communisme Tchécoslovaque, « enlaidissait le paysage », est toujours admirée de quelques visiteurs confidentiels, venus principalement de la Tchéquie. Car, et c’est l’un des charmes prégnant du site, sa faible exposition médiatique, son absence presque mystérieuse des guides et des cartes touristiques, l’ont jusqu’ici sauvé de la paralysie qui fige une œuvre vibrante en nature morte de musée.

Inutile donc d’acheter son billet à l’entrée, de louer un casque audio pour la visite et de circuler derrière le cordon de sécurité ; l’asile élu par Kopic est non seulement situé dans l’un des plus beaux paysages de la Tchéquie, c’est aussi dans une réelle présence à la nature et avec la « complicité » de son environnement, qu’une œuvre d’un grand charme s’est créée. Il semble juste qu’elle y demeure ainsi : aimée dans son élément et par ceux qui sauront en trouver le chemin.

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