« J’ai toujours eu ancré en moi le sentiment du caractère sacré des lieux et des sanctuaires naturels : par exemple pour ce rocher qui se trouvait sur une certaine pente escarpée où j’avais l’habitude d’aller m’asseoir et où, aussi peu visible qu’un lièvre, je contemplais la lande jusqu’à l’horizon, en proie à une sorte d’extase religieuse. Je sentais que j’aurais dû y apporter ce symbole très simple du divin : ma bible ; mais, découvrant que ce livre ne s’accordait en rien au génie du lieu, je le rapportai à la maison, pour le remplacer par des trésors personnels, des coquilles striées d’escargots et autres objets du même genre.
Ce fut là ma première (et certes pas ma dernière) tentative malheureuse pour accorder mon expérience personnelle à des formes établies d’expression religieuse. Enfant de la nature que j’étais, peut-être avais-je été trop longtemps coupée de la civilisation. Mais j’eusse fort bien compris ces contes bouddhiques affirmant que les textes les plus sacrées sont ceux qui n’ont jamais été écrits : un vieux pin torturé par le vent et les années, un vol d’oies traversant le ciel. »
Au moment où j’achevais de lire ce passage, assis sur la berge d’une rivière, en bordure d’un bois, un ronflement animal s’éleva dans le silence. Interdit, car le son semblait proche et, pour l’instant, indéfini - un sanglier ? un chien enroué ? -, j’attendis, tête levée, un nouvel indice. Il vint sous la forme d’un autre ronflement, rauque, pressant, plus proche cette fois, bientôt suivit d’un froissement précipité des feuillages.
Au moment où j’achevais de lire ce passage, assis sur la berge d’une rivière, en bordure d’un bois, un ronflement animal s’éleva dans le silence. Interdit, car le son semblait proche et, pour l’instant, indéfini - un sanglier ? un chien enroué ? -, j’attendis, tête levée, un nouvel indice. Il vint sous la forme d’un autre ronflement, rauque, pressant, plus proche cette fois, bientôt suivit d’un froissement précipité des feuillages.
Sur la berge opposée, un chevreuil déboucha alors du taillis. Un jeune l’accompagnait. La femelle redressa la tête, attentive, dans ma direction. Devant mon extrême immobilité, elle se retira lentement, puis tous deux s’évanouirent de nouveau dans le bois.
Je n’avais pas ce symbole très simple du divin : ma bible…avec moi, mais ce qui est sans doute mieux accordé au monde sauvage et au mien, la voix d’un poète, celle de Kathleen Raine, dialoguant, pour un instant encore, avec les pages enluminées d’un très ancien manuscrit, ce... volume of wonders, open always before my eyes.
Extrait de Farewell happy fields - Adieu prairies heureuses de Kathleen Raine (traduction Diane de Margerie et françois Xavier Jaujard) Ed. Stock
1 commentaire :
Pierre,
toujours de très bon et délicat conseil..."J'ai toujours eu ancré en moi.."rien que ce début de phrase donne envie de jeter l'ancre dans le port de Kathlen....merci!
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