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lundi, décembre 17, 2007

Carnet de Berlin 3

Coiffeur Damen Salon… Satelliten Center… Zentrum... je marche, le regard happé par les enseignes, je me mêle aux mouvements des rues, le pas intuitif, le regard vagabond, un instant captif d’un visage, d’un vol de corneilles au-dessus d’un immeuble de verre, des wagons jaune orangé du métro aérien ou encore de cette étonnante vision qui m’attend au cœur d’un cimetière de l’ancien Berlin-Est.
La grille franchie, en quelques pas, ce jardin des morts prend soudain l’allure d’un parc domaniale abandonné. Des dalles brisées par la lente reptation des racines, gisent sous les algues des herbes folles, plusieurs tombes sont devenues inaccessibles sous la broussaille, les noms sont illisibles, je déchiffre pourtant quelques dates:
1888-1914
avril 1945, 1955
Sonja
Winter
Seel
Familie Loss
Gest. in Russland
Unvergessen

Je remonte le sentier de terre bordé de bouleaux, effarouchant un lapin qui détale entre les tombes. A l’extérieur, bloquant la vue, ces barres d’immeubles verticales et horizontales, comme une seconde enceinte autour du mur du cimetière. Aux balcons, des disques lunaires interrogent un instant mon regard. Vestiges d’un culte primitif ? Déco futuriste ? Antennes paraboliques, tout simplement.

En retrouvant plus tard la ville des vivants, ce frémissement tellurique parfois, sous la plante des pieds, un souffle chaud et métallique s’échappant des grilles d’aération au passage du métro souterrain. Me frappe l’ampleur des avenues, les colossales proportions architecturales, la démonstration de puissance qui s’en dégage et qui se démasque en remontant Unter den Linden : cette orchestration de pierre est d’abord exaltation impériale, volonté victorieuse, orgueil national, - la signature du passé d’un peuple dont je croise les héritiers, comme moi, silencieux et attentifs, parmi les vestiges du site « Topographie de la terreur », ce musée à ciel ouvert situé à l’ancienne adresse du siège de la Gestapo. A quelques pas de là, quelques promeneurs arpentent une longueur intacte du « mur ».



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